La capacité des mesures LIBS (Laser-Induced Breakdown Spectroscopy) à discriminer au sein d’un échantillon la présence d’hydrogène et de ses isotopes deutérium et tritium a été démontrée dans le cadre d’une collaboration entre les équipes CEA (DRF/IRFM, DRF/Joliot, DES/DPC) et le laboratoire CORIA (CNRS/université de Rouen) grâce à une expérience d’ablation laser sur un échantillon tritié réalisée en 2022.
Le projet européen « TRANSversal Actions for Tritium (TRANSAT) », impliquant 16 instituts de recherche, s’est achevé fin 2022. TRANSAT avait pour but d’améliorer les connaissances sur la gestion du tritium dans les installations de fission et de fusion, notamment concernant la gestion des déchets tritiés, la radiotoxicité, la radiobiologie et la dosimétrie du tritium (voir https://transat-h2020.eu/). L’une des actions de R&D a consisté à étudier des méthodes de mesures du contenu en tritium dans les matériaux, ce contenu ayant des enjeux de sureté nucléaire et d’exploitation. La technique LIBS (Laser-Induced Breakdown Spectroscopy) a été une piste privilégiée pour permettre un suivi de l’inventaire en tritium. Elle consiste à recueillir et analyser la lumière émise par le plasma créé lors de l’ablation du matériau étudié par un rayon laser. De plus, cette technique peut se déployer au sein même de l’enceinte à vide d’une installation de fusion afin d’effectuer des mesures sur les composants en interaction avec le plasma (cf. le fait marquant : « Des tests LIBS fibrée dans le tokamak WEST : une première mondiale pour la fusion »).
Des échantillons spécifiques préalablement chargés en tritium ont été préparés, puis disposés dans une enceinte hermétique conçue spécifiquement afin de permettre l’interaction laser-matière sans dispersion des poussières radioactives créées lors de l’ablation dans la chambre d’expérience (figure 1), cette dernière étant maintenue sous argon à pression atmosphérique. L’étude spectroscopique détaillée peut alors être réalisée autour de la raie d’émission du tritium par une reconstruction du spectre de la lumière recueillie. Cette étude permet de remonter à la présence de tritium dans la couche de matériau ablatée (figure 2). Ces résultats confortent les potentialités de la technique LIBS à mesurer le profil de concentration du tritium piégé en profondeur dans les matériaux (par ablation progressive). Cette méthode permettra donc de mieux suivre l’inventaire tritium dans les composants de l’enceinte à vide d’un tokamak où cette mesure est susceptible d’impacter l’exploitation.
Schéma de principe de la plateforme LIBS3H (gauche) et montage expérimental (droite). Le faisceau issu de la source laser (en vert) est étendu par les lentilles L1 et L2, traverse le « beamsplitter » puis la lentille L0 qui le focalise sur l’échantillon tritié placé dans la chambre expérimentale (hermétique). Le plasma induit par laser (en jaune) émet de la lumière : la partie (en rouge) réfléchie sur le « beamsplitter » est focalisée par la lentille L3 pour collection dans la fibre optique en direction du spectromètre pour y être analysée.
(A) Evolution du cratère d’ablation laser après 1 (gauche) et 10 tirs sur deux cibles (droite), l’une vierge et l’autre implantée de tritium.
(B) Spectres normalisés obtenus sur un tir laser unique permettant clairement de distinguer la contribution des deux isotopes de l’hydrogène H et T (en jaune) par rapport à une cible non chargée (en grisé).
Le projet TRANSAT a donné lieu à de nombreux résultats ouvrant des perspectives qui ont motivé la Commission européenne à engager une suite en lançant en septembre 2022 le projet TITANS (Tritium Impact and Transfer in Advanced Nuclear reactorS) pour 3 ans, toujours coordonné par le CEA (DRF/IRFM).
References
Maj : 31/03/2023 (895)