Est-on capable de prédire la rotation du plasma dans ITER ?

Est-on capable de prédire la rotation du plasma dans ITER ?

Le contrôle de la rotation est un défi majeur afin d’obtenir un plasma stable et bien confiné dans une future centrale à fusion de type tokamak. Si des injecteurs de particules neutres énergétiques permettent un contrôle partiel du plasma dans les tokamaks de taille moyenne, le grand volume de plasma dans ITER rendra la capacité de contrôle plus limitée. La rotation joue pourtant un rôle primordial dans la stabilité du plasma et la qualité du confinement. Notamment, un mauvais contrôle de cette rotation peut, dans certains cas, provoquer une perte du confinement du plasma et un endommagement de la machine. Il est donc important de déterminer si des phénomènes intrinsèques au plasma permettent de générer la rotation du plasma : une récente publication dans Physical Review Letters montre que des simulations « premier principe » permettent de comprendre comment s’établit cette rotation.

Une observation fascinante est qu’un plasma de tokamak tourne, même en l’absence de source externe de rotation. Ce phénomène est appelé « rotation intrinsèque ». Il existe deux mécanismes conduisant à une rotation intrinsèque : les forces exercées par la turbulence et les effets de « freinage magnétique ». Ce dernier est du, dans les tokamaks, au fait qu’il existe un nombre fini de bobine générant le champ magnétique, et que celui-ci est donc modulé dans la direction toroïdale comme montré dans la figure ci-dessous. Cette modulation est appelée « ripple magnétique ».

L’effet du ripple n’est pas le même dans tout le plasma et dépend notamment du nombre de bobines et leur proximité.

Figure 1 – Vue schématique du dessus d’un tokamak. Les traits épais représentent les bobines et les lignes ondulées représentent la forme des lignes de champ.

La compétition entre ces deux mécanismes entrainant la rotation du plasma a été étudiée. L’idée est de comprendre si l’effet ripple peut dominer celui de la turbulence, et, si oui, à quel endroit. A partir de précédents travaux, un modèle théorique qui prend en compte ces deux effets a été développé pour déterminer à partir de quelle amplitude critique de ripple la turbulence devient sous-dominante dans le contrôle de la rotation intrinsèque. Sa validité a été corroborée à l’aide de simulations « gyrocinétiques » avec le code GYSELA, qui prennent en compte les deux mécanismes de manière auto-cohérente. La figure ci-contre montre alors la vitesse du plasma dans la direction toroïdale à chaque position pour un cas où le ripple magnétique a été désactivé dans la simulation (gauche) et un autre où le ripple est présent (droite). La rotation dans le cas sans ripple est contrôlée seulement par la turbulence, et sa direction change progressivement de sens en se rapprochant du bord. En revanche, la rotation avec ripple magnétique est orienté dans une direction privilégiée.

Figure 2 – Rotation toroidale avec (droite) et sans (gauche) ripple magnétique due au nombre fini de bobines générant le champ magnétique. Ces résultats de simulations obtenus avec GYSELA montrent que le ripple change fortement la rotation du plasma.

En utilisant l’expression du ripple critique, des premières estimations pour ITER semblent montrer que l’effet du ripple ne sera pas négligeable proche du bord, et doit être pris en compte dans les simulations futures.

Publication associée : R. Varennes et al, Phys. Rev. Lett. 128, 255002