Le rayonnement X dans WEST sous toutes les coutures grâce aux diagnostics du PPPL

Le rayonnement X dans WEST sous toutes les coutures grâce aux diagnostics du PPPL

Dans le cadre d’une collaboration avec le Princeton Plasma Physics Laboratory (PPPL), aux Etats-Unis, trois nouveaux diagnostics opérant dans le domaine des rayons X arrivent sur le tokamak WEST. Deux d’entre eux, les caméras multi-énergie dans la bande des X-mous et des X-durs sont d’ores et déjà installés sur la machine et prêts à effectuer des mesures au cours de la prochaine campagne expérimentale. Le troisième, un système d’imagerie compact, devrait arriver au cours de l’année 2022.

WEST est un tokamak installé à l’IRFM et spécialisé dans la réalisation de décharges stationnaires dont la durée peut atteindre plusieurs minutes. Un élément clé pour leur réalisation est le système de chauffage auxiliaire par ondes radiofréquence à la fréquence Hybride Basse (Lower Hybrid, LH, à 3.7GHz) installé sur le tokamak. Les 7MW de puissance LH disponibles sur WEST permettent de générer l’essentiel du courant circulant dans le plasma de manière totalement stationnaire via l’excitation d’électrons suprathermiques, autrement dit des électrons dont l’énergie est beaucoup plus élevée que la moyenne. Par contraste avec la première configuration du tokamak Tore Supra, machine pionnière en matière de décharges stationnaire, WEST est équipé d’une paroi interne en tungstène. Lorsque cet élément, même en quantité infime, pénètre jusqu’au cœur du plasma, il peut rayonner une fraction non négligeable de la puissance injectée, diminuant ainsi les performances fusion. Par conséquent, la réalisation de décharges sur un tokamak comme WEST nécessite de caractériser aussi finement que possible d’une part la population d’électrons suprathermiques afin d’entretenir une distribution spatiale du courant possédant les caractéristiques requises pour atteindre un régime stationnaire, et d’autre part le contenu en impuretés de la décharge de manière à éviter qu’elles ne s’accumulent au centre du plasma.

Les systèmes fournis par PPPL permettent précisément de réaliser ces analyses en mesurant le rayonnement dans le domaine X. La caméra ME-HXR observe l’émission du plasma dans la gamme des « X-durs ». Dans la bande d’énergie 10-100keV (longueur d’onde 0.01-0.1nm), ce rayonnement, émanant directement des électrons suprathermiques, permet d’obtenir des informations sur la population électronique générée par l’onde LH, et donc sur la façon dont le courant se distribue dans le plasma. Ce diagnostic est basé sur un détecteur de rayons X, de type « PILATUS3 », constitué de capteurs en tellurure de cadmium (CdTe) distribués sur une matrice d’environ 100 milliers de pixels. La caméra ME-SXR, elle, mesure le rayonnement dans la gamme « X-mous », correspondant à la bande d’énergie 5-10 keV (longueur d’onde de l’ordre 0.1-0.2nm). On peut tirer de cette mesure la température électronique du plasma, ainsi que des informations sur le transport des impuretés entrant dans la composition du plasma, parmi lesquelles le tungstène. Cette caméra repose également sur un détecteur de type PILATUS3, composé de capteurs en silicium (Si) sur une matrice identique à celle du ME-HXR en termes de géométrie (100 000 pixels).

Figure 1 : Intégration des deux caméra X-durs (ME-HXR) et X-mous (ME-SXR) de PPPL dans l’environnement du tokamak WEST. Le plasma est symbolisé en violet (à gauche), et les deux caméras mesurent le rayonnement X depuis l’extérieur de la chambre à vide.

Les deux caméras ont été développées à PPPL, en interaction continue avec les équipes de l’IRFM de manière à préparer leur intégration sur WEST dans les meilleures conditions. Deux post-doctorants de PPPL basés à l’IRFM, ont préparé cette intégration (voir figure 1). Ils ont en parallèle développé des diagnostics synthétiques correspondant à chacun des deux systèmes, c’est-à-dire des modélisations qui anticipent les mesures physiques attendues, et permettent ainsi d’optimiser leur future utilisation pour le développement de scenarios sur WEST. Dans le contexte sanitaire compliqué du COVID, les caméras ont été expédiées de Princeton vers l’IRFM, où elles sont bien arrivées le 18/03/2021 (cf. figure 2), puis installées sur la machine (cf. figure 3). Un troisième système, d’imagerie X « compact » (cXICS), permettra de réaliser une image du plasma dans le domaine des X de manière à obtenir une image directe du contenu en impuretés au cours d’une décharge. Sa conception est sur le point de s’achever, et il devrait rejoindre les deux caméras de PPPL à l’IRFM prochainement. Cette collaboration fructueuse entre les deux laboratoires permet ainsi de doter WEST d’un ensemble de systèmes de mesure novateur qui permettra d’optimiser les scenarios mis en œuvre dans la réalisation de futures décharges stationnaires plus performantes.

Figure 2 : Réception des caméras ME-HXR et ME-SXR à l’IRFM suite à leur expédition depuis Princeton. Sur la photo figurent (de gauche à droite) : Ph. Malard (IRFM), T. Barbui (PPPL), N. Fedorczak (IRFM), O. Chellai (PPPL) et R. Dumont (IRFM).
Figure 3 : Les deux caméras ME-HXR (en haut) et ME-SXR (en bas), installées sur WEST. Après avoir satisfait aux tests d’étanchéité, elles sont prêtes pour les premières mesures durant la prochaine campagne expérimentale de WEST.