Moins de « runaways » que prévu dans les disruptions d’ITER !

Moins de « runaways » que prévu dans les disruptions d’ITER !

Lors d’une disruption dans un tokamak, un faisceau d’électrons très énergétiques, dits « runaways », peut se former et potentiellement endommager la paroi interne. Cette question fait l’objet d’une attention particulière pour ITER. Des simulations réalisées par l’IRFM mettent en évidence un effet ignoré jusqu’ici : la réduction de la génération de runaways due à l’instabilité verticale du plasma.

Une disruption est une terminaison brutale du plasma dans un tokamak, qui peut se produire lorsque l’on opère trop près des limites de stabilité ou à la suite d’un évènement comme la pénétration de poussières dans le plasma. Elle se traduit par la perte totale du confinement du plasma en moins d’une milliseconde (stochastisation des lignes de champs). Au cours d’une disruption, la chute brutale du courant circulant dans le plasma induit un fort champ électrique dans celui-ci, qui peut conduire à la formation d’un faisceau d’électrons à des énergies relativistes (plusieurs MeV), dits « runaways », portant une fraction substantielle du courant plasma initial. Ce faisceau peut par la suite impacter la paroi interne du tokamak et l’endommager fortement. 

Ce problème est regardé de près pour ITER car le fort courant plasma (15 MA) rend la génération d’un tel faisceau très difficile à éviter en cas de disruption. Une raison majeure en est le mécanisme dit « d’avalanche », qui résulte du fait qu’un runaway peut convertir un électron thermique en un nouveau runaway (tout en restant lui-même runaway) par une collision suffisamment rapprochée. La théorie la plus simple prédit que le gain dans la population de runaways par l’avalanche (Gay) croit comme la puissance dix du courant plasma exprimé en méga-Ampères (Gav ≈ 10Ip[MA]). Cette expression montre l’importance très accrue de l’avalanche dans ITER (Gav ~ 1015) par rapport aux machines actuelles (Gav ~ 103 ou moins). La compréhension de ces phénomènes, leurs caractérisations et l’étude des processus pouvant amoindrir les conséquences des disruptions (par injection massive de gaz ou encore par injection rapide de glaçons fragmentés par exemple) sont des thématiques d’études très importantes pour ITER et plus globalement pour les Tokamaks.

Cependant, cette théorie simple ne tient pas compte du mouvement vertical rapide du plasma au cours de la disruption, que le système de contrôle de position du plasma ne peut gérer. Ce mouvement résulte naturellement de la configuration magnétique verticalement instable (due à l’élongation du plasma) et de la décroissance du courant plasma. L’effet sur la génération de runaways a été investigué récemment par des chercheurs de l’IRFM à l’aide du code de magnétohydrodynamique JOREK [1]. Comme illustré par la figure, le plasma bouge verticalement au cours de la disruption, conduisant des surfaces magnétiques (contours noirs fins) initialement fermées à intersecter progressivement la paroi. Les runaways présents sur ces surfaces sont alors quasi-instantanément perdus dans la paroi (ce qui se fait sans dommage si la population de runaways est suffisamment petite à ce stade).

Figure : Densité de courant (couleurs) et surfaces magnétiques (contours noirs fins) à deux instants successifs d’une disruption dans ITER simulée par le code JOREK

Cet effet conduit à une réduction de Gav d’environ 7 ordres de grandeur par rapport à des simulations réalisées avec un autre code, DREAM, qui faisaient référence jusqu’ici [Vallhagen 2024]. L’évitement des faisceaux de runaways dans ITER à l’aide du système de mitigation des disruptions (basé sur l’injection de glaçons fragmentés) pourrait donc être moins difficile que prévu, mais le problème reste ardu car le Gav prédit par JOREK demeure très grand (~1010). De nouvelles simulations DREAM tenant compte de cet effet sont actuellement en cours et pourraient apporter de nouvelles réponses. Des résultats préliminaires montrent que dans certains scénarios, la génération d’un faisceau de runaways est évitée alors qu’elle ne l’était pas auparavant, ce qui est encourageant [Vallhagen 2025].

[1] The effect of vertical displacements on the runaway electron avalanche in ITER mitigated disruptions, DOI 10.1088/1741-4326/ad8d66