Le code MHIMS (Migration of Hydrogen Isotopes in MaterialS) développé au CEA-IRFM modélise le transport des hydrogènoïdes dans les matériaux métalliques en utilisant une approche multi-échelle. Les derniers travaux réalisés avec celui-ci ont montré que le phénomène de pulvérisation des atomes adsorbés par les ions incidents du plasma modifie la nature de la désorption du deutérium de la paroi.
Le recyclage des hydrogénoïdes dans les parois de tokamak est un phénomène clé. Il peut conduire à un problème de sûreté lié à une rétention trop importante du tritium radioactif dans les parois mais aussi de contrôle de la densité du plasma, causée par une désorption mal maîtrisée de la paroi vers le plasma.
Pour étudier les phénomènes fondamentaux en jeu dans l’absorption et la désorption des hydrogènes sur les surfaces de tungstène pures ou partiellement oxydées, des échantillons en tungstène monocristallin avec un plan cristallin d’orientation (110) et plusieurs taux de couverture d’oxygène (sans oxygène, à 50% et 75% d’oxygène) ont été exposés à du deutérium sous forme gazeuse (D2) ainsi qu’à un mélange de gaz et d’ion deutérium (D2+ ions à 250 eV/D). Pour étudier le phénomène, des Spectrométrie à Désorption Thermique (TDS) ont été effectuées au laboratoire de Physique des Interactions Ioniques et Moléculaires (PIIM) de l’Université d’Aix-Marseille [1].
L’exposition des échantillons au gaz permet d’évaluer la rétention sur la surface tandis que l’exposition au mélange gaz-ions permet d’évaluer la rétention sur la surface et dans la masse (bulk). La rétention dans le « bulk » est alors évaluée par la différence des deux quantités mesurées par TDS. Or cette opération amène à des rétentions négatives, ce qui sous-entend que certains phénomènes physiques ne sont pas pris en compte avec ces hypothèses. L’objectif de l’étude a été de simuler ces résultats avec MHIMS. Dans une approches multi-échelles, les données d’entrées du modèle de surface nécessaires à MIHMS ont été obtenues pas calculs DFT (Théorie de la Densité Fonctionnelle) [2].

Un phénomène de pulvérisation du deutérium en surface par les ions (figure 1) a été introduit dans MHIMS et a permis de reproduire la tendance expérimentale. La confrontation des modélisations aux expériences avec et sans pulvérisation du deutérium en surface est présentée sur la figure 2. La simulation du phénomène de pulvérisation permet de reproduire la tendance expérimentale.
L’effet de cette pulvérisation du deutérium en surface modifie la compréhension du recyclage des hydrogénoïdes sur les surfaces en tungstène. Il était supposé que ce qui était retenu dans le tungstène est libéré vers le plasma sous forme de molécules. Mais la pulvérisation apporte un autre canal de recyclage qui peut être significatif en fonction des conditions de flux incident et de température de la paroi (Figure 2). Les produits de la pulvérisation ne sont pas encore définis (D atomique, molécules, énergie cinétiques, etc.) mais ils pourraient avoir un effet différent sur le plasma de bord. Les études de ces phénomènes de pulvérisations par dynamique moléculaire font partie des perspectives du papier qui présente l’étude décrite [3].

– ( Gauche) TDS (exposition gas+ions)-TDS (exposition gas) (θo : taux d’oxygène i/e ici 50% et 75 %)
– (Droite) coefficient de recyclage par le canal de désorption de D2 et de pulvérisation de D à la surface pour différentes conditions d’exposition (flux incident et température)
[1] A. Dunand et al, Nucl. Fusion 62 (2022) 054002
[2] Y. Ferro et al, Nucl. Fusion 63 (2023) 036017
[3] E. Hodille et al, “Deuterium uptake, desorption and sputtering from W(110) surface covered with oxygen”, 2024 Nucl. Fusion, DOI 10.1088/1741-4326/ad2a29