L’activité magnétohydrodynamique au bord du plasma (ELMs, Edge Localized Modes en anglais) doit être comprise afin d’envisager des moyens de prédire et de contrôler les flux considérables de chaleur et de particules intermittents qu’elle fait supporter aux composants face au plasma. Des observations très précises de la dynamique de ces modes ont pu être faites récemment sur le tokamak coréen KSTAR à l’aide d’un diagnostic d’imagerie de l’émission cyclotronique des électrons du plasma. Des simulations magnétohydrodynamiques (MHD) non-linéaires effectuées à l’IRFM reproduisent fidèlement pour la première fois les caractéristiques de la dynamique mesurée, ce qui constitue une nouvelle avancée dans la compréhension de ces modes.
Fig.1. Two ECEI diagnostic images of temperature fluctuations before ELM crash separated by ~0.008ms in time
Le Mode H (H pour « high confinement ») est l’un des régimes de base du fonctionnement des tokamaks tels qu’ITER. Il est caractérisé notamment par un très fort gradient de pression qui se forme à la périphérie du plasma. Ce fort gradient tend à provoquer des pertes périodiques de confinement au bord du plasma, sous forme de relaxations MHD sur les temps très courts de quelques dixièmes de millisecondes : les Edge Localized Modes en anglais ou ELMs. Les ELMs se traduisent par une expulsion de chaleur et de particules de la région confinée par le champ magnétique, et limitent en grande partie le confinement global du plasma. Bien que les ELMs ne soient pas une préoccupation majeure pour les tokamaks d’aujourd'hui, dans le contexte d’ITER ils peuvent conduire à des flux de puissance considérables pouvant endommager les composants faisant face au plasma.
La physique des ELMs est gouvernée par des instabilités dues à la pression (dites de ballonnement) et au courant dans cette région périphérique. Les mesures qui y ont été effectuées avec le diagnostic ECEI (Electron Cyclotron Emission Imaging) sur le tokamak Coréen KSTAR [M. Kim et al Nucl. Fusion 54, 093004 (2014)] ont fourni de nouvelles caractéristiques surprenantes des ELMs : des structures tournantes avec des modes toroïdaux (n = 5-8) y ont été détectées pendant quelques millisecondes, juste avant le "crash" de l’instabilité (phase dite "précurseur", précédant la génération d’un flux de chaleur et de particules intense).
Fig.2.Two images of temperature fluctuations before ELM crash separated by ~0.008ms in time in non-linear MHD modelling in single harmonic n=8 simulation
Le code MHD non-linaire JOREK, développé au CEA/IRFM en collaboration avec d’autres laboratoires Français et Européens pour la modélisation des ELMs, permet une comparaison directe de la théorie et de sa modélisation avec des observations expérimentales de la dynamique de ces modes. Le travail récent [M. Bécoulet, M. Kim, G. Yun, S. Pamela, J. Morales, X. Garbet, G.T.A. Huijsmans, C. Passeron, et al, Nuclear Fusion 57 (2017) 116059], réalisé en collaboration avec des expérimentateurs de KSTAR a permis d’identifier la nature des modes et d’expliquer leur dynamique, constituant une nouvelle avancée dans la compréhension de ces modes et consolidant les projections vers ITER. En particulier, les paramètres plasma et la géométrie réels de KSTAR ont été utilisés dans la modélisation JOREK. La modélisation complète du crash d’ELM a été réalisée en incluant les écoulements du plasma. Les modes les plus instables des modes toroïdaux (n = 5-8), la vitesse (~ 5km / s pour le mode n = 8) et la direction de la rotation du mode ont été reproduits dans la modélisation. La rotation toroïdale et la vitesse de dérive du plasma dans la direction poloïdale (la vitesse dite « diamagnétique ») inclus dans le modèle de JOREK sont les facteurs les plus importants pour expliquer les structures tournantes observés sur KSTAR (Fig.1-2).
Référence : M.B écoulet, M. Kim, G. Yun, S. Pamela, J. Morales, X. Garbet, G.T.A. Huijsmans, C. Passeron, et al, Non-linear MHD modelling of Edge Localized Modes dynamics in KSTAR, Nuclear Fusion 57 (2017) 116059
Maj : 26/06/2018 (681)